lundi 19 juin 2006

Photos et autres jalons

Y2Mars
C’était il y a quelques années, je ne vais pas tenter de me souvenir quand. C’était le Gers, dans un parc d’activité nautique. On avait rigolé comme des minots à cause de nos culs vissés sur des grosses bouées qui glissaient sur des toboggans à tout barzingue.
Après, sur l’herbe avec les cousins et les petits, j’avais chargé une pelloche de noir et blanc. J’aime bien ça pour les portraits, même s’ils sortent un peu « grisouilles ». Y avaient trois photos fabuleuses de cette série: deux de Jade, et une de toi, celle du bandeau.
Tes yeux avaient laissé filtrer ce jour là la gravité de toute chose. Cette photo avait changé l’image que j’avais jusqu’alors de toi. Elle m’avait donné à découvrir autre chose de plus inquiétant et de plus rassurant à la fois. Inquiétant pour la gravité qu’elle dévoilait, rassurant pour la nouveauté que j’y trouvais.Tes yeux disent clairement : je ne suis pas celui que tu crois. Ton regard est dur et douloureux, et ce n’est pas ce que tu donnais à voir, mais c’était ce que tu étais, aussi. Voir ce regard, c’était comme monter l’autre versant d’une montagne, la face Nord, celle des douleurs glaciaires, mais aussi celle de la chaleur d’un secret.
Tu vois, ce bandeau que je retrouve aujourd’hui ici confirme mes incessantes inquiétudes. Comment savoir ? Comment savoir à l’instant précis où mon doigt presse le déclencheur, que l’image que j’ai dans le viseur sera sur le site dédié à ta mémoire ? Heureusement nous ne savons rien d’avance. Mais parfois, l’angoisse me pousse à m’abstenir des mes actes, de mes paroles, de faire quoique ce soit qui pourrait devenir symbolique parce que je crois le deviner ultime. Peut être que là où tu es, tu sais à présent le sens de tout cela, ou bien s’est confirmé l’absurbe ? Peut être que c’est moi qui me trompe encore sur toi, sur toi maintenant. A ce sujet, Yasmina Reza (encore elle) écrit :
« J’ai fait le rêve suivant. Mon père mort revenait me voir.
- Alors, lui dis-je, comment est-ce ? As-tu rencontré Beethoven ?
Il se renfrogne et secoue la tête avec dégoût et tristesse :
- Ah, là, là ! Horrible rencontre !
- Comment ça ?
- Très antipathique. Très.
- Mais comment, papa ?
- Je m’approche de lui, poursuit mon père, prêt à le serrer, sais-tu ce qu’il me dit : « Comment avez-vous osé vous attaquer à l’adagio d’Hammerklavier ! Comment avez-vous pu une seule seconde imaginer interpréter une mesure d’Hammerklavier ? ».
- Pardonnez-moi maître, lui répondit mon père, je vous imaginais au-dessus de ça à présent…
- Mais enfin ! s’écrie Beethoven, être mort n’est pas être sage ! »
A bientôt. nat

mardi 6 juin 2006

Lieux et lieux

Y2Mars
"...Il y a lieux et lieux. Les beaux, les célèbres ou les très laids nous laissent en fin de compte indifférents. Au mieux, ils intéressent notre versant culturel, le plus médiocre. Les vrais lieux, ceux qui nous engendrent, ceux que capture la mémoire, sont ceux qui nous ont vus hors de nous-mêmes, qui ont abrité notre démesure, l'aveu ou la terreur de nos désirs, tous ceux qui furent le lit d'un chavirement".

Yasmina Reza

samedi 3 juin 2006

Une énergie subtile

ce n'est pas le blues, no, plutôt un silence dans lequel l'attention se détache et permet
aux mots de s'assembler et de faire la phrase puis l'autre et ainsi de suite.

L'écriture est une énergie subtile, hey, Y2 Mars, le grand chasseur de mots pour raconter les bons sons chassés.
Je veux saluer ici l'énergie qui etait sienne, Y, sa vitalité et son savoir être.

Madame B. et moi-même travaillons sur un projet qui lui tenait à coeur, à cet hacker de mots. Ces derniers jours nous
avons progressé dans ce travail à pas plus normaux, rompant avec le sale stress rapide que les villes instillent,
reprenant enfin notre souffle.

Je pense à Y, envie de le voir ce soir, tout simplement, notre ami, et je pleure, fugace, là, car il me manque cruellement.

Monsieur A

jeudi 1 juin 2006

Jeudi de juin

Y2Mars
Dégingandé maîtrisé : c'était ça ton style de danse. Tes pieds restaient dans un périmètre très restreint, tes bras balançaient le long de ton corps aléatoirement courbé, et tes jambes étaient des ressorts. Il fallait regarder ta tête pour voir que tout passait d'abord par là. C'est elle qui imprimait le rythme, et le reste suivait. Les notes, les cascades de notes et l'ivresse ou la consternation qui en découlait, tout cela n'a jamais failli. C'est important les choses qui ne s'effilochent pas. Ce sont peut être celles qui nous gardent vivants. Comme les amis, le vin, la bonne bouffe. Des valeurs sûres. Et puis, pouf, éclair noir : il reste les amis, le vin, la bonne bouffe, mais tout s'effiloche. Le temps qu'on ne sentait pas fait l'effet d'une perfusion définitive, parce ce que manquent : ton sourire, tes éclairs bleus, ton ironie, tes anecdotes, tes compulsions, tes déprimes de rentrée, tes bagouzes, tes euphories, ta douce présence, Yann, qui enveloppait tous ceux qui t'approchaient.
Quelle vitesse ça oui, mais ça alors quelle douceur !
nat