mercredi 1 novembre 2006

Je les mets où les fleurs ?

Y2Mars
Au début j’ai vu ta silhouette partout. Dans celle de tes amis qui, comme toi, avaient un crâne d’œuf. Je sursautai, croyant à ton retour, surfant l’espace de quelques secondes sur la farce minable. J’aurais volontiers roulé une pelle au farceur, avant de lui arracher le cœur. Merci, merci, merci à toi sombre connard de nous le rendre, mais t’avise pas de recommencer. Ce crétin farceur n’a jamais eu l’audace d’exister et la vie est telle qu’elle est : intransigeante. Je laisse le sens à ceux qui en ont besoin.
La volonté ne contrait rien, des verbes qui furent communs se déconjuguaient, tout s’effilochait, et tous ici étions accrochés avec nos deux mains au bord d’un précipice, avec des grimaces de vivants, pas vraiment de winners.
Ce serait tellement plus simple si tout était une question chimique, qu’il suffise d’injecter quelques molécules ou de tordre le cou à celles qui sont en trop, histoire de lever l’enclume sur le plexus solaire. Tout ça c’était au début. Pas au début de la douleur, parce qu’elle n’a pas de fin. Elle s’étiole, mais ne disparaît pas. Je ne pense plus tous les jours à toi. De plus en plus de jours s’écoulent sans prononcer mentalement ton prénom, sans qu’un souvenir vienne à l’assaut de la forteresse que je construis depuis onze mois.
Quitte à être condamnée, j’aurais préféré que ce soit à venir te voir parmi des centaines d’autres. J’aurais repris la rue Saint Pierre, serais entrée dans le cimetière, aurait refait le parcours de cette putain d’année 2005, celle qui nous a arraché le bras valide. J’aurai essayé d’atteindre la stèle, le passage aurait été bouché, et je me serais trompée d’allée. Non mais t’as vu le labyrinthe de Saint Pierre ? Comment retrouver son mort ? T’inquiètes si la bâtisse est lézardée, si ça se fissure encore tout doucement, si ça hurle encore par moment, je suis digne, limite froide, limite trop bien remise, limite indigne, mais sans culpabilité. Je serais venue poser un caillou sur ta tombe, peut être que j’aurais nettoyé, arraché les mauvaises herbes, comme tout le monde, peut être que j’aurai transformé ta stèle en théâtre antique. J’aurais acheté des colonnes romaines en stuc chez Leroy Merlin, que j’aurais habillées avec des saris du Ceylan, mais juste pour déconner, juste pour te faire la révérence en te disant : ta Royale Majesté nous a faussé compagnie. On aurait rigolé. J’aurais aimé être à Saint Pierre et me perdre assez pour ne pas te trouver. Ça m’aurait fait une ballade.
Je suis chez moi, et j’ai les mains sur ce clavier, et je ne sais plus si je pense plus aux mots que j’écris ou à toi. Mais c’est ici que je viens te voir.
Nat

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